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Le pape, selon Gaultier Bès, est un zadiste qui transforme le monde en une zone où Dieu est présent


« On aime la bagnole, et moi je l’adore ! » Cette récente sortie du président Macron, synthèse de la technocratie la plus libérale et de la démagogie la plus grossière, en dit peut-être plus long sur notre société que sur lui. La voiture reste l’intouchable fétiche de la société industrielle. Plus qu’un mythe, c’est une déesse à qui l’on sacrifie toujours plus d’argent, de temps et d’espace. Demandez aux opposants de l’A69 ou de l’A45.

Ce « sacré transféré à la technique » (Jacques Ellul) est au cœur de l’exhortation du pape sur la crise climatique. «Louez Dieu, écrit François, est le nom de cette lettre. Parce qu’un être humain qui prétend prendre la place de Dieu devient le pire danger pour lui-même » (§73). Ce dernier paragraphe est le plus important. Ce n’est pas seulement une conclusion, c’est un sommet et c’est une source, car il rappelle que c’est Dieu, et non point l’homme, qui est l’origine et la fin de toute vie terrestre. La vie est sacrée parce qu’elle est l’œuvre d’amour du Père. De cette vérité ultime découle tout le reste, le refus de l’agression publicitaire et la lutte contre l’artificialisation des sols compris.

La racine la plus profonde de la crise écologique

VIDEO: François : Le pape de la communication - Déshabillons-les (26/03/2016)
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En concluant son texte par cette formule lapidaire, le pape François désigne la racine la plus profonde de la crise écologique : l’oubli et le mépris de Dieu. Il est vrai que cet apprenti démiurge qui singe Dieu, ce n’est peut-être pas seulement l’homme moderne, ivre de puissance technologique. Ce n’est pas non plus seulement, aussi malfaisant soit l’exercice de son pouvoir, tel ou tel de ces puissants que le puissant renverse de leurs trônes, comme l’Église chaque jour le chante avec Marie dans le Magnificat. C’est nous, chacun de nous, pauvres pécheurs qui, génération après génération, croyons aux fausses promesses du Tentateur : « Vous ne mourrez pas ! » ; « Vous serez comme des dieux ! » (Genèse, 3,4-5).

Pour autant, si la tentation n’est pas nouvelle, jamais les moyens de l’accomplir n’ont été si grisants. De la manipulation du génome à la géo-ingénierie, l’humanité a de fait acquis un pouvoir inouï sur le monde. L’omnipotence, l’omniprésence et l’omniscience ne semblent plus l’apanage de Dieu. À défaut d’éternité, l’immortalité elle-même, prétend-on, est pour bientôt. C’est tout un modèle de société, une civilisation, qui place son bonheur, son espoir et son salut dans la machine.

Louange et action politique

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Les Possédés et leurs mondes

Voilà pourquoi une écologie « intégrale » ne peut se contenter d’être l’étude (et la défense) du vivant. La biologie doit se prolonger et se parfaire en une théologie, s’enrichir d’une cosmogonie (d’où vient la vie ?) et même d’une « sotériologie » (d’où nous viendra le salut ?). Alors que « le paradigme technocratique nous isole de ce qui nous entoure et nous trompe en nous faisant oublier que le monde entier est une “zone de contact” » (66), Laudate Deum nous invite à un « chemin de réconciliation » avec le vivant, et, à travers lui, avec le Vivant, avec Celui qui est la voie, la vérité, la vie. Servir Dieu, ce n’est pas seulement lever les yeux au ciel, c’est garder et cultiver Sa Création contre toutes les formes d’oppression et de prédation.

La conversion que nous devons opérer est donc intégrale au sens où elle concerne autant la foi que la politique, la conscience personnelle que les structures sociales. Contre l’écologie individualiste des petits pas et des grands riens, le pape François en appelle à un « changement généralisé du mode de vie irresponsable du modèle occidental » (72).

Le pape est un zadiste

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Voilà pourquoi le pape est un zadiste, un zadiste qui fait du monde non pas seulement une zone à défendre, mais une zone avec Dieu, c’est-à-dire une « zone de contact » avec la Création qui nous révèle certes la beauté et la bonté du Créateur, source de toute vie et de toute espérance, mais aussi la fragilité de la biosphère, menacée comme jamais par « la logique du profit maximum au moindre coût, déguisée en rationalité » (31).

Le pape François déplore avec raison que le déni face à l’urgence écologique, qui relève de plus en plus d’une mauvaise foi que d’une ignorance, se «rencontre même au sein de l’Église catholique » (14). Outre un certain atavisme conservateur, le principal ressort du climato-scepticisme au sein du catholicisme français relève, je le crains, d’un réflexe de privilégiés, compromis avec ces « grandes puissances économiques, soucieuses du plus grand profit au moindre coût et dans les plus brefs délais possibles », pour lesquelles le changement climatique se réduit au mieux à une nouvelle contrainte technique, au pire à une aubaine économique.

Quand ces milieux souvent obnubilés par leur identité auront fait le lien entre «cette maladie silencieuse qui nous affecte tous » et les «migrations forcées », peut-être finiront-ils par agir. En tout cas, à la porte du bureau des dirigeants (et de tous les tenants du statu quo), il faudrait placarder le « visage des enfants qui paieront les dégâts de leurs actions » ou de leur inertie (33).

Les écolos radicaux montrent la voie

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Mais le pape va plus loin. Il ne se contente pas, plus de vingt ans après Jean-Paul II, de nous inviter à la conversion écologique. Il nous donne en modèle les « groupes fustigés comme “radicalisés”, (lesquels) comblent un vide de la société dans son ensemble qui devrait exercer une saine pression » (57).

Je ne prétends pas que le pape encourage les actions de blocage ou de désarmement des infrastructures destructrices. Je constate que l’éco-terrorisme qu’il fustige, ce n’est pas le militantisme écolo, même musclé, mais le business as usual de ce « faible pourcentage des plus riches de la planète (qui) pollue plus que les 50 % plus pauvres de la population mondiale » (9) et qui «reste enfermé dans la logique du colmatage » (57).

Les provocateurs de toute violence

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euronews (en français)

Tels sont les provocateurs de toute violence, comme disait l’abbé Pierre, les véritables saboteurs dont le « pragmatisme homicide » (57) ravage notre maison commune et rejette les déshérités. Le pape François ne se trompe pas de coupable et cible, plutôt que les jeunes qui se battent, avec parfois l’énergie du désespoir, pour arrêter la machine infernale, ceux-là mêmes qui la conduisent et l’accélèrent, et notamment les dirigeants de «ces compagnies pétrolières et gazières (qui) ambitionnent de réaliser de nouveaux projets pour augmenter encore la production » (53).

Avec le pape François, prions et œuvrons pour que la prochaine COP28 soit à la hauteur de la menace climatique. Quoi qu’il advienne, la Création respirera mieux quand les chrétiens, massivement, auront embrassé le combat écologiste.

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Author: Tracy Anderson

Last Updated: 1704162121

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Name: Tracy Anderson

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Job: Chef

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Introduction: My name is Tracy Anderson, I am a daring, vivid, resolved, strong-willed, resolute, rich, spirited person who loves writing and wants to share my knowledge and understanding with you.